Entretien avec Franck TIAMBO, expert en gestion de risques en assurance et finance à Zurich

 

La rédaction d’AFFY est allée à la rencontre de M. Franck TIAMBO, Risk Manager dans un cabinet international basé à Zurich et Co-founder de KimboCare. Il nous partage avec grand plaisir son parcours professionnel depuis ses études en actuariat.

Source: KimboCare image

AFFY: Bonjour M. Franck TIAMBO. Nous sommes ravis que vous ayez accepté de nous accorder cette interview. Svp, pouvez-vous vous présenter à nos jeunes lecteurs ainsi que votre parcours académique ? Qu’est-ce qui a motivé votre choix de filière ?

Franck TIAMBO : Bonjour chers lecteurs, Je suis Franck Tiambo, marié et père de quatre enfants. J’ai un parcours académique d’ingénieur polytechnicien en mathématiques à l’école polytechnique fédérale de Lausanne suivi d’un master avancé en actuariat / gestion des risques de l’école Centrale de Lyon et de L’ISFA également à Lyon. J’ai réalisé toute ma scolarité jusqu’à mes 21 ans au Cameroun principalement au Collège Jean Tabi et Adventiste durant mes études secondaires et ensuite à l’Université Catholique d’Afrique Centrale où j’ai obtenu un DUT en comptabilité et gestion. Mon parcours académique suit intimement ma passion depuis le plus jeune âge de pouvoir soigner le plus grand nombre de patients. N’ayant pas pu devenir médecin, j’ai eu pour ambition de pouvoir offrir des produits financiers aux plus démunis afin qu’ils puissent s’offrir des soins de qualité. D’où les mathématiques pour apprendre les fondements de la logique et l’abstraction pour présenter simplement des choses complexes, ensuite l’actuariat afin de comprendre tous les risques sous-jacents aux produits d’assurance maladie.

AFFY : Si vous aviez un cadet en face de vous, que lui diriez-vous du métier d’actuaire ? Que fait précisément un consultant actuaire ?

Franck : L’actuaire est le spécialiste de la gestion des risques pour les compagnies d’assurance mais également les fonds de pension et même les banques. Au fil de ces dernières années, le métier d’actuaire a subi plusieurs changements notamment la maîtrise des données volumineuses aussi bien historiques que prédictives lui permette de devenir un point central dans la prise de décision au sein d’une entreprise. Donc au-delà des aspects techniques, l’actuaire doit acquérir des compétences relationnelles afin de divulguer de manière efficace le bon message aux différentes parties prenantes de la société. On le voit de plus en plus, dans notre travail de consultant au quotidien auprès d’un des BIG 4 en Suisse. Au-delà des calculs de ratio de solvabilité, de la modélisation de la tarification ou des tables de mortalité, nos clients attendent de nous une participation plus active à la mise en place d’un cadre stratégique de gestion de risque au niveau du comité exécutif de leur entreprise. Une place de choix est également réservée aux actuaires qui ont l’esprit d’innovation et d’entreprenariat car ils pourront participer activement aux programmes de transformation sociale et numérique de leurs clients.

AFFY : Vous êtes aujourd’hui Manager Risk & Regulation dans un cabinet de conseil de renommée internationale en Suisse. Quel est le rôle du Consultant Risk et les responsabilités d’un Manager dans un cabinet de conseil ?

Franck : Consultant et manager sont des grades largement utilisés dans les grandes compagnies de conseil et d’audit. Généralement, ils traduisent ton niveau de responsabilité aussi bien au niveau de la qualité des livrables que tu rends que du nombre de collaborateurs qui sont sous ton leadership. En général, pour un jeune super motivé avec une bonne performance, franchir les échelons de consultant à manager se fait en moyenne en 5 ans en Suisse. Quant au service Risque et Réglementation proposé aux grandes banques et aux compagnies d’assurance en Suisse, il recouvre dans une première phase à un diagnostic de l’état de maturité de l’entreprise par rapport à un référentiel prudentiel ou réglementaire. Ensuite, en fonction des écarts constatés, nos équipes vont mesurer l’impact en cas de survenance d’un risque spécifique et selon le niveau de sévérité, proposer en collaboration avec le client une feuille de route pour une remise en conformité. Ce type de mission requiert l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire qui soit en mesure de communiquer aussi bien avec le régulateur que le client mais également avec une excellente connaissance du secteur d’activité et de la compétition. Ceci permet de proposer des solutions d’implémentation qui respectent en même temps la réglementation et qui apportent un avantage compétitif à l’institution qu’il implémente de manière intelligente et durable.

AFFY : Selon vous, quelles sont les plus grandes qualités du consultant ? Quels sont les aspects de cette position qui vous plaisent le plus ?

Franck : De mon point de vue et sur les missions de conseil liées à la gestion de risques, à l’utilisation des données comme outil d’aide à la décision ou encore à la transformation digitale, les 3 qualités clés d’un consultant sont: Une bonne écoute active, un fort relationnel agile, authentique et apporteur de solutions transverses à la résolution d’une problématique métier. En sus de cela, la diversité des missions, la multiculturalité des équipes et l’apprentissage agile et pragmatique sont des aspects que j’affectionne vraiment. Je me rappelle de cette mission en Europe de l’Ouest où j’avais rencontré ce consultant hongrois. Il entrait dans l’open space et avant d’atteindre son bureau, juste en face du mien, il parlait avec 8 personnes en 8 langues différentes du portugais au Swahili en passant par l’espagnol, le Danois, l’allemand, le français, l’anglais et le hongrois. On avait l’impression de voyager vers une capitale différente à chaque pause café. Cette diversité n’a pas de prix! Elle permet d’appréhender le monde comme un véritable carrefour d’échange et de partage.

AFFY : Quel regard portez-vous sur ces métiers (consultant actuaire et risque) et leur intérêt pour un continent en pleine croissance comme l’Afrique ?

Franck : Si vous discutez une trentaine de minutes avec certains investisseurs, ils vous diront: “On ne veut pas investir en Afrique, on ne connaît pas, la corruption est endémique bref c’est trop risqué”. On comprend la peur que suscite toujours le continent africain pour des personnes averses au risque. Dans notre domaine, il y a pourtant une phrase martelée à longueur de journée: “Qui ne risque rien, n’a rien”. Et c’est ici que l’actuaire pourrait jouer un rôle capital pour que cette phrase soit juste. En effet, l’actuaire grâce à sa bonne capacité d’analyse et d’abstraction doit proposer des modèles de capture des données numériques efficaces permettant de remonter les informations de plus en plus pertinentes du terrain et favorisant une prise de décision basée sur des données fiables et cohérentes. L’actuaire d’origine africaine bien formé dans les meilleures institutions européennes et américaines peut également servir de courroie de transmission aux savoirs et aux flux monétaires par leur bonne connaissance des exigences de l’environnement occidentalisé et de la culture africaine.

AFFY : Vous travaillez dans les hautes sphères du monde de la finance en Suisse dans l’un des pays où siègent les plus importantes banques, institutions financières et organisations internationales. Quelles sont vos impressions sur ce type de société ? Pensez-vous que ce soit un modèle à répliquer en Afrique ? Si oui, dans quelles mesures ?

Franck : Hautes sphères, c’est un peu exagéré (lol). Être en mesure de mettre les bonnes personnes avec les bons outils permet de renforcer la discipline de marché et permet d’atteindre le niveau d’excellence et de richesse générés par ces institutions. La bonne gouvernance reste un enjeu majeur pour plusieurs économies africaines et la capacité de pouvoir utiliser de manière efficiente et honnête les ressources pourrait être des pistes envisageables. Ceci étant dit, à mon sens, cela est peu productif de tropicaliser les réussites d’ailleurs, il faudrait à contrario construire nos propres solutions à partir de nos problèmes, de notre culture et surtout de nos valeurs ancestrales qu’il faudra impérativement acquérir de nouveau.

AFFY : Vous vous intéressez également à la transformation digitale ? De quoi s’agit précisément et dans quel cadre l’exercez-vous ?

Franck : Nous sommes dans un monde encore largement dominé par le papier et des procédures d’entreprise qui ont été élaborées à la base autour du traitement du papier. Cela a induit plusieurs problèmes notamment lorsqu’on souhaite impacter les vies de millions de personnes. La transition vers des actifs numériques apparaît de prime abord, une solution idoine pour préserver la planète et surtout optimiser les procédures les plus consommatrices en temps et apportant peu de valeur ajoutée à l’entreprise. Cela permet aux collaborateurs d’être plus performants, plus épanouis dans leur travail car concentrés sur des activités à haute valeur ajoutée et finalement produire beaucoup plus avec beaucoup moins de fraude humaine possible. Nous avons l’opportunité d’aider nos clients à emboîter ce pas nécessaire voire indispensable à leur survie au quotidien soit par le changement de leur outil de gestion opérationnelle, soit en injectant de l’intelligence artificielle et de l’automatisation dans les procédures vitales, soit encore pour apporter des nouvelles fonctionnalités facilitant l’expérience de client dans la consommation des services ou  produits.

AFFY : Vous êtes par ailleurs co-fondateur de KimboCare. De quoi s’agit-il et quelles sont ses missions ? Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans ce projet ? Quelles sont vos perspectives pour les prochaines années ?

Franck : KimboCare est une solution de santé numérique qui permet de payer les soins médicaux d’une personne qui n’a pas les moyens. Notre principale mission est de permettre à 30 millions de patients d’avoir accès à des soins de qualité à l’horizon 2030 afin d’apporter notre pierre à l’édifice aux objectifs de développement durable des Nations Unies. KimboCare vient d’une histoire personnelle vécue par ma sœur et moi-même lorsque nous essayions de payer les soins de santé de nos proches restés sur le continent. Nous étions confrontés à un manque de transparence, aucune certitude que l’argent ait été utilisé intégralement pour la santé d’où ce manque de qualité qui a mis en danger plusieurs fois la vie d’un cousin, d’un ami ou d’un parent. Grâce aux nouvelles technologies notamment la Blockchain, l’intelligence artificielle et l’internet des objets, KimboCare a su s’appuyer sur la forte utilisation du téléphone portable et la sélection rigoureuse des structures médicales de qualité pour apporter cette innovation majeure. En effet, en seulement 14 mois effectifs d’opération en Afrique de l’Ouest, KimboCare fait partie des 25 meilleures startups en santé numérique au niveau mondial selon le célèbre incubateur Galen Growth. Cerise sur le gâteau, KimboCare a mis en place des techniques avancées faisant d’elle, l’une des 27 startups innovantes dans la confiance numérique en Europe selon le programme Tech for Trust de la Trust Valley à Genève. Les perspectives sont donc fort réjouissantes cependant la pente reste raide et la route longue avant de pouvoir parvenir à nos objectifs. C’est pour cela que l’on exhorte toutes les forces vives du continent à apporter leur pierre à l’édifice aussi petite soit elle, elle aura de l’impact. Donc toi qui nous lis actuellement, ce sera un plaisir de te retrouver sur nos réseaux sociaux LinkedIn ou Facebook. N’hésite pas également à créer ton compte gratuit en 30 secondes sur app.kimbocare.com.

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AFFY : Quel regard portez-vous sur le continent africain et sa jeunesse ?

Franck : Il y a que des éléments très positifs à souligner. On observe un réel changement de mentalité où la jeunesse du continent commence à comprendre qu’un hamburger n’est qu’un pain chargé à la viande (lol), elle commence à comprendre qu’à cœur vaillant rien n’est impossible, elle commence à être maître de son présent et de son futur tout en maîtrisant ses origines pré-coloniales voire pré-esclavagistes. Les valeurs telles que la solidarité inter générationnelle et sociale ou encore l’optimisation des ressources vont être des valeurs pivots de la transformation mondiale au cours des deux prochaines décennies, la jeunesse africaine possède ces valeurs dans son ADN et pourra aux côtés des jeunesses d’autres continents défendre aussi bien ses intérêts que décupler ses ressources avec l’établissement des bons partenariats / alliances durables.

AFFY : Quels conseils donneriez-vous à un jeune africain qui a des aspirations entrepreneuriales mais fait face à de nombreux obstacles (sociaux, financiers…)

Franck : Avoir la volonté de résoudre des problèmes cruciaux pour le plus grand nombre de personnes autour de soi avec des solutions simples et adaptées au contexte et à la culture locale. Ecouter activement, commencer petit, apprendre et s’adapter vite devraient faire partie de ton crédo de jeune entrepreneur. Enfin, construire une communauté de personnes aussi enthousiastes que soi et prêtes à te donner des retours constructifs, te permettra de convaincre toute banque, toute institution publique ou même tout individu à investir dans ton projet et ta vision. Une chose à ne point négliger dans ce contexte sanitaire difficile et de faire en sorte de rester en bonne santé par l’adoption des mesures de prévention idoines. Jeune entrepreneur, je te souhaite une excellente santé en 2021 car le reste n’est qu’accessoire.

AFFY : Merci M. Franck Eric TIAMBO de nous avoir accordé de votre temps pour réaliser cette interview.

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