Après les atrocités dont l’ancien président Tchadien a été reconnu coupable, son procès fait de lui un précurseur de l’émergence de la justice africaine.
Né le 13 août 1942 à Faya Largeau au Tchad, celui qui va devenir président de son pays natal grandit dans le désert du Jourab. Il reçoit une éducation nomade comme tous les enfants de la région. Brillant élève, HISSENE HABRE fait ses études primaires et secondaires à Faya. Puis s’envole pour Paris où il fait ses études supérieures jusqu’à l’obtention de son DEES en droit public, à l’institut des études politiques de Paris. Son intérêt pour la politique est manifeste d’où son appartenance au FROLINAT (Front de Libération Nationale du Tchad), au-delà de sa passion pour les auteurs tels que Che Guevara et Raymond Aaron. Il se fait déjà une carrière politique en occupant tour à tour les fonctions de Sous-préfet et également de Directeur adjoint des relations Internationales au Ministère des Affaires étrangères ; jusqu’à son accession à la fonction de Président de la République du Tchad en 1982. Un mandat qui se déroule sous fond de massacre et de violation des droits fondamentaux.
Dès son accession à la magistrature suprême en 1982, HISSENE HABRE pose les jalons d’un régime dictatorial ; comme c’est le cas dans la plupart des pays jusqu’à ce que souffle le « vent de l’Est » dans les années 90, instaurant la démocratie en Afrique. Successeur de Tombalbaye, HISSENE HABRE procède à des modifications institutionnelles. Avec la suppression du poste de premier Ministre le 19 juin 1972 faisant de l’exécutif un exécutif moniste. Il met sur pied une police politique, la fameuse direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) par décret du 26 janvier 1983. A l’origine, la mission de la DDS est la collecte et la centralisation de tous les renseignements susceptibles de compromettre l’intérêt national.
De nombreux massacres et abus des droits fondamentaux seront perpétrés par la DDS. En effet, il lui sera attribué la responsabilité des enlèvements des exécutions telles que celle du commandant Galepin Emissaire Français envoyé pour négocier la libération des ressortissants Européens détenus au Tchad entre 1974 et 1977. Même sur le plan national, la terreur se fait sentir à travers les exécutions et tortures des opposants au régime qui témoigneront quelques années plus tard. Témoignages qui vont dévoiler l’existence d’une prison du régime en place à l’époque baptisée « la piscine » dont la réputation ne s’éloigne pas de celle de l’actuelle « Guantanamo ».
Le chiffre 40 000 a été retenu officiellement par la commission d’enquête pour dénombrer les victimes du régime d’HISSENE HABRE. Son exil au Sénégal en 1990 rend difficile voire presqu’impossible la mise en œuvre des poursuites contre lui. Il faudra attendre le 20 juillet 2015 pour qu’enfin se tienne le procès de celui qui fût incontestablement un dictateur, mais potentiellement un tyran.
Le procès Hissène Habré : un bel élan pour la justice Africaine
25 ans après son exil au Sénégal, l’ancien président se voit effectivement attrait devant une cours de justice. Les tentatives étaient restées jusque là vaines soit pour des raisons judiciaires, soit pour des raisons politiques. La tenue de ces assises met un terme à une période de protestation de la part des victimes directes ou indirectes constituées parfois en associations de défense des droits de l’homme. Protestations exaltées par la revendication de l’extradition de l’ancien locataire de la présidence Tchadienne en vue de son jugement.
La particularité de l’instance judiciaire en charge de l’affaire Hissène Habré n’est plus à démontrer.
Elle est perceptible déjà au niveau de sa création résultat de l’accord entre le Sénégal et l’Union Africaine. D’où la dénomination de « chambres extraordinaires Africaines ». Même si l’opinion publique ne s’accorde pas sur la légalité des procédures suivies par cette instance. Plus particulièrement la phase d’instruction, cela n’enlève rien au fait qu’elle consacre l’effectivité d’une justice Africaine qui jusque là semblait être dans inertie.
Ce pourrait être le plus bel héritage que l’Afrique aurait reçu non seulement de cette affaire en général, mais d’Hissène Habré en particulier en plus de la sentence de culpabilité prononcée en vue d’apaiser les victimes.
Il est une évidence qu’à la suite de ce procès, Hissène Habré apparait comme un tyran, responsable de crimes contre l’humanité, viol, esclavage forcé, enlèvement de personnes et bien d’autres chefs d’accusation. Cependant, malgré lui, il s’impose en précurseur d’une « justice à l’Africaine, pour les Africains », vu qu’il est le premier chef d’Etat Africain à être jugé au nom de l’Afrique par une justice Africaine.
Il en était temps au regard de la démission de certains pays Africains membres de la CPI qui estiment qu’il s’agit d’une justice à « deux poids, deux mesures ».
TANKEU F.ANTOINE