Arsène Tema Biwole : des rêves à portée de main

Une histoire où la physique s’érige comme un point de départ, une perche tendue pour l’épanouissement des générations futures.

 

Entre rêve et réalité

Le retour aux sources sous une nouvelle casquette fut loin d’être de tout repos. La soif d’innovation pour son pays le Cameroun et le désir d’inspirer une jeunesse débordant de potentiels scientifiques, deviennent le leitmotiv d’Arsène Tema Biwole quatre ans plus tôt. Il réalise un séjour sur sa terre mère en début 2021, en tant qu’ambassadeur du projet Youth Connect, après le footballeur Samuel Eto’o et le défunt homme d’affaires Fotso Victor.

Cependant « être un instrument de progrès » n’est pas une tâche facile, face à une génération en manque de moyens financiers, rêveuse et ignorante des réalités. Des jeunes en soif d’orientation, de conseils, voient en lui une ressource : «la demande la plus récurrente des jeunes à mon intention, et qui m’attriste, est celle d’un soutien financier. Être physicien en Europe ne signifie pourtant pas que je roule sur l’or ».

 

Le soutien pouvant s’exprimer autrement que financièrement, des projets de bourses et partenariats avec des écoles suisses et américaines sont en cours d’élaboration.

L’université de Dschang et l’école polytechnique de Maroua se positionnent parmi les privilégiés, « dans un souci de rééquilibrer les opportunités d’accès à l’éducation ».

 

Des origines… a priori sans avenir…

 

Arsène Tema a grandi à Bafoussam dans un foyer modeste, monoparental, auprès d’une mère qui sest entièrement dédiée à l’éducation de ses enfants. Né prématuré, accumulant des troubles de santé dès lenfance, un lien particulier s’est établi avec cette dernière, qui ne tarissait pas d’efforts et d’espoir pour sa progéniture. A l’âge de 7 ans, il lui fait la promesse, suite à un énième affect, peu avant une intervention chirurgicale, de « la rendre fière ».

 

Un père totalement inconnu, la maladresse d’un enseignant et la honte de ne pas avoir de figure paternelle… S’identifier au personnage principal de l’œuvre littéraire « Père inconnu de Pabé Mongo » et confronter sa réalité, l’ont poussé à sortir de ces affres et ne pas en faire un handicap.

 

Le souvenir d’une visite du président de la République du Cameroun dans la ville de Bafoussam relaté par sa mère. Une femme, son fils Arsène âgé d’un an, sur le dos, bravant la foule afin de voir ne serait-ce qu’une fois cette haute autorité. Et aujourd’hui, 28 ans plus tard, être témoin de la valorisation des accomplissements de sa progéniture par ce président, est l’une de ses plus grandes fiertés.

 

Un honneur commun, un air de changement

 

Être cité comme référence par le président de la République, résonne en Arsène comme un honneur.  « C’est une fierté car un nouvel exemple est donné aux jeunes, afin de valoriser la recherche scientifique, l’éducation et le travail acharné ». Inculquer à la nouvelle génération qu’il est possible de changer le monde, que faire des miracles par la connaissance n’est pas qu’à la portée de privilégiés.

Le sentiment d’être honoré et via lui, valoriser toutes les personnes qui travaillent dans l’ombre pour l’avancement et l’épanouissement de psycho-socio-économique de la jeunesse : « c’est très important pour moi que des travailleurs classiques, des scientifiques soient mis à l’honneur pour inspirer cette jeunesse ».

 

Abnégation et concentration

 

Rester focalisé sur ses objectifs : « prendre la connaissance, apprendre sans relâche, rendre ma mère heureuse, puis rentrer inspirer ma génération et développer le Cameroun », lui a permis de ne pas se laisser distraire.

Face à l’inévitable syndrome de l’imposteur et au pessimisme, Arsène trouve en sa mère encouragements et réconfort : « les personnes doivent savoir ce qu’elles veulent dans la vie et s’y agripper. Moi j’ai tiré la force en ma mère ».

Son parcours taché de marques discrimination décuplera son envie de donner le meilleur de lui-même. Arsène Tema, seul noir engagé dans l’orientation énergie nucléaire, terminera très brillamment son cycle.

 

Après l’achèvement, la réalisation de son « rêve scientifique » aux Etats-Unis, la motivation d’Arsène Tema Biwole persiste grâce à l’image d’une jeunesse plus épanouie saturant son esprit. Il ne perd pas de vue ses origines, il est conscient des difficultés par lesquelles les jeunes passent et reste confiant : « Si j’y suis arrivé, les autres aussi peuvent le faire ».

 

Des potentiels naturel et humain palpables

Arsène Tema nourrit un rêve, encore plus maintenant qu’il a revu sa terre natale et ses frères de patrie. L’ambition d’une Afrique positionnée comme pôle technologique de référence à l’échelle mondiale lui semble à portée de main : « Je suis admiratif du potentiel débordant, de la matière grise des jeunes. Je veux aider à libérer les énergies, étant donné notre retard, de manière que nous puissions nous assumer dans les années à venir ».

 

Il aborde l’urgence de la mise en place d’un programme nucléaire afin de booster la technologie pour l’électrification : « à ce jour je trouve anormal qu’avec tout le potentiel qui existe sur place, il y ait encore des zones en Afrique, et au Cameroun en particulier, qui ne soient pas électrifiées ».

 

Une absence d’électrification qui s’imprègne dans notre qualité de vie, au-delà du simple fait de manquer d’éclairage: « une population ayant accès à l’électricité, a un indice de développement humain et une espérance de vie élevés. Ce qui n’est pas le cas de nos populations ».

L’objectif à long terme viserait donc à exploiter les ressources disponibles: « en Afrique par exemple, nous avons beaucoup de soleil. Ce n’est pas forcément mon secteur, mais je pense qu’on peut se servir de cela pour améliorer les choses et encourager les jeunes à être innovants dans ce domaine ».

 

Une urgence de développement… Un projet solaire…

 

Pendant que l’Occident s’attelle à restreindre et limiter l’usage des centrales nucléaires, le bénéfice pour l’Afrique serait a contrario plus que nécessaire. Les prévisions démographiques et industrielles évoluant en sens inverse ou de manière ralentie comparativement à l’Europe: « en Afrique il existe une urgence d’industrialisation et une urgence démographique. Les options pour l’Afrique restent limitées, l’hydroélectrique et le solaire ne suffiront plus d’ici quelques années. Il faudra trouver d’autres points de développement à un certain moment ».

 

Une urgence qui laisse malgré tout une marge de manœuvre: « la bonne nouvelle est qu’il ne faut pas le nucléaire tout de suite, mais d’ici le milieu du siècle. Ça nous laisse le temps d’encourager et former les jeunes à son développement ».

 

Avec une thèse portant sur la création d’un soleil artificiel, Arsène Tema a pleinement conscience de la complexité de concrétisation d’un tel projet sur le sol africain. Une technique de fusion thermonucléaire qui peut s’avérer difficile et qui nécessitera une haute dose d’équipement et d’ambition : « il sera plus simple de développer initialement des centrales de fission nucléaire. Une seule centrale à fission nucléaire installée à Kribi résoudra le problème d’électrification du Cameroun tout entier »

 

La nécessité d’un renouveau à plusieurs échelles

 

Son séjour au Cameroun aura révélé à Arsène des manquements criards, tant en terme d’équipements qu’en terme d’infrastructures. Une recherche qui ne peut qu’être handicapée, en l’absence d’encadrement qualitatif et de matériel de base : « il faudrait encourager financièrement la recherche et soutenir la méritocratie tant pour les jeunes  que pour le personnel enseignant ».

 

Un soutien qui avortera prématurément s’il ne trouve pas des esprits disposés à initier un changement: « si j’avais une baguette magique, je changerais les centres d’intérêt des plus jeunes. Les pousser à s’intéresser davantage aux enjeux du monde, par exemple le réchauffement climatique. Car on aura beau mettre les infrastructures en place, si les jeunes ne s’investissent pas, ça ne sert à rien ».

 

Sans regrets…

 

Les deux années après l’obtention de son baccalauréat furent exemptes de formation. Une période qui, bien qu’elle ait pu lui être autrement utile, n’a jamais été considérée comme une perte. Mais pour un jeune, selon lui, la vigilance est de mise. Le message est clair, il faut être à mesure d’optimiser son temps: « avoir deux années de stagnation peut le démotiver et le défocaliser de ses objectifs… ».

 

Une revalorisation scientifique qui peut sembler obsolète dans l’ère actuelle, mais qui demeure indispensable dans un cadre en plein essor. Innovation et implication de la jeunesse forment le noyau élémentaire pour une éclosion d’impact.

 

« Je n’ai aucun regret quant à mon parcours, et je suis fier de pouvoir être un instrument pour mon pays… ». Arsène Tema Biwole demeure optimiste pour l’avenir, et entend bien continuer d’apporter ses pierres à l’édifice. L’avenir semble brillant…

 

 

                                                                                                                                        Paule Moko.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *